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Nouveau cabinet de Justin Trudeau : un gouvernement libéral assumé

Justin Trudeau et Sophie Grégoire sous un parapluie

Crédit photo : La Presse Canadienne/Sean Kilpatrick

Crédit photo : La Presse Canadienne/Sean Kilpatrick

De l'avis général, Justin Trudeau et son cabinet géraient la pandémie de manière compétente et proactive au Canada, un constat largement reflété dans les sondages qui étaient favorables au Parti libéral.

Justin Trudeau a flairé l'opportunité d'obtenir un troisième mandat et surtout la possibilité de se retrouver en situation majoritaire à nouveau. Par contre, il semble que ses conseillers politiques et les sondeurs aient sous-estimé un phénomène bien réel : l’apathie politique.

Nous savons tous comment cela s’est conclu : Justin Trudeau a déclenché une élection dont personne ne voulait vraiment... et il n'a pas réussi à justifier sa démarche. Malgré tous ses efforts, le PLC n'a réussi à obtenir que deux sièges supplémentaires et se retrouve à la tête d'un gouvernement minoritaire.

Ce nouveau gouvernement sera mis à l'épreuve et on comptera sur lui pour aider Justin Trudeau à atteindre ses objectifs les plus urgents :

  • En finir avec la pandémie
  • Reconstruire l’économie canadienne et favoriser une société plus équitable avec un coût de la vie plus abordable
  • Réaliser une réconciliation significative avec les communautés autochtones
  • S'attaquer (réellement) aux changements climatiques, surtout considérant l’importante Conférence COP26 à venir à Glasgow
  • Améliorer les relations entre Ottawa et les provinces et les territoires, notamment en ce qui concerne le financement des soins de santé

Il s’agit d’une commande de taille qui nécessitera de faire appel à une équipe expérimentée. D’ailleurs, l'expérience est sans doute la principale caractéristique du Cabinet Trudeau 2.0 qui a été dévoilé à Rideau Hall plus tôt aujourd'hui. Une fois de plus paritaire (une marque de commerce de ce gouvernement), cette équipe est composée de politiciens expérimentés qui s’occuperont de portefeuilles clés, d’anciens ministres qui avaient de la difficulté à remplir certaines anciennes fonctions auxquels on attribue de nouveaux ministères, de nominations audacieuses qui frustreront des députés de l’opposition (et certaines provinces), et pave la voie à la prochaine génération de leaders libéraux. À travers tout ça, nous arrivons à un constat : le gouvernement libéral compte assumer son identité de manière décomplexée.

Un aperçu du nouveau cabinet de Justin Trudeau

  • Justin Trudeau : premier ministre du Canada
  • Chrystia Freeland : vice-première ministre et ministre des Finances
  • Dominic LeBlanc : ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités
  • Mélanie Joly : ministre des Affaires étrangères
  • François-Philippe Champagne : ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie
  • Steven Guilbeault : ministre de l’Environnement et du Changement climatique
  • Jean-Yves Duclos : ministre de la Santé
  • Marc Miller : ministre des Relations Couronne-Autochtones
  • Mona Fortier : présidente du Conseil du Trésor
  • Jonathan Wilkinson : ministre des Ressources naturelles
  • David Lametti : ministre de la Justice et procureur général du Canada
  • Diane Lebouthillier : ministre du Revenu national
  • Mary Ng : ministre du Commerce international, de la Promotion des exportations, de la Petite Entreprise, et du Développement économique
  • Marco E. L. Mendicino : ministre de la Sécurité publique
  • Anita Anand : ministre de la Défense nationale
  • Marci Ien : ministre des Femmes et de l’Égalité des genres et de la Jeunesse
  • Omar Alghabra : ministre des Transports
  • Marie-Claude Bibeau : ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire
  • Joyce Murray : ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne
  • Seamus O’Regan Jr. : ministre du Travail
  • Carla Qualtrough : ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes en situation de handicap
  • Ginette Petitpas Taylor : ministre des Langues officielles et ministre responsable de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique
  • Lawrence MacAuley : ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale
  • Pablo Rodriguez : ministre du Patrimoine canadien et lieutenant du Québec
  • Ahmed Hussen : ministre du Logement et de la Diversité et de l’Inclusion
  • Sean Fraser : ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté
  • Kamal Khera : ministre des Aînés
  • Bill Blair : président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre de la Protection civile
  • Patty Hajdu : ministre des Services aux Autochtones et ministre responsable de l’Agence fédérale de développement économique pour le Nord de l’Ontario
  • Carolyn Bennett : ministre de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associée de la Santé
  • Gudie Hutchings : ministre du Développement économique rural
  • Helena Jaczek : ministre responsable de l’Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l’Ontario
  • Randy Boissonnault : ministre du Tourisme et ministre associé des Finances
  • Pascale St-Onge : ministre des Sports et ministre responsable de l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec
  • Filomena Tassi : ministre des Services publics et de l’Approvisionnement
  • Dan Vandal : ministre des Affaires du Nord, ministre responsable de Développement économique Canada pour les Prairies et ministre responsable de l’Agence canadienne de développement économique du Nord
  • Mark Holland : leader du gouvernement à la Chambre des communes
  • Harjit S. Sajjan : ministre du Développement international et ministre responsable de l’Agence de développement économique du Pacifique Canada

Parmi la garde rapprochée du premier ministre :

  • Le ton a été donné il y a plusieurs semaines, lorsque M. Trudeau a confirmé que son bras droit, Chrystia Freeland, conserverait les deux portefeuilles qu'elle a dirigés avec succès en tant que vice-première ministre et ministre des Finances. Alors que le Canada cherche à sortir de la pandémie et à construire pour le futur, l'expérience et la feuille de route de Mme Freeland constituent une police d'assurance : son leadership constant, sa maîtrise des dossiers, son approche diplomatique et son empathie seront une fois de plus un atout indéniable.
  • Mélanie Joly, qui était présente au sein des administrations précédentes, obtient un ministère à la hauteur de ses ambitions en devenant la nouvelle ministre des Affaires étrangères, une promotion obtenue grâce à une solide performance en tant que coprésidente de la campagne électorale du parti. Sa mission est colossale : renforcer la relation du Canada avec les États-Unis tout en reconstruisant celle qu'il entretient avec la Chine.
  • François-Philippe Champagne conserve son poste à l'Innovation et poursuivra ses efforts pour redynamiser les industries mises à mal par la COVID-19.
  • Pour l'important portefeuille de la santé, Jean-Yves Duclos, l'un des ministres les plus fiables de M. Trudeau, sera appelé à travailler avec les provinces pour définir les prochaines étapes de la lutte contre le COVID-19... et à trouver des terrains d'entente sur des questions telles que le Transfert canadien en matière de santé et les soins de longue durée, pour ne nommer que celles-là. Il sera aidé par le célèbre négociateur Dominic LeBlanc, qui demeure ministre des Affaires intergouvernementales, mais aussi par Carolyn Bennett, qui sera la toute première ministre de la Santé mentale et des Dépendances.
  • En ce qui concerne les relations avec les communautés autochtones, Marc Miller (Relations Couronne-Autochtones) et Patty Hajdu (Services aux Autochtones) feront équipe pour entretenir cette relation qui est la plus importante pour le gouvernement Trudeau.
  • David Lametti conserve ses postes de ministre de la Justice et de procureur général du Canada.
  • Pablo Rodriguez continuera d'exercer ses fonctions de lieutenant du Québec, tout en retournant à un service qu'il a déjà occupé, celui du Patrimoine canadien.

Alors que le Cabinet Trudeau de 2019 a été constitué pour apaiser les tensions persistantes au sein de la Confédération, son édition 2021 envoie le message qu'Ottawa poursuivra son programme sans broncher :

  • En effet, Trudeau a finalement procédé à la décision qui provoquera sans doute une levée de boucliers dans l'Ouest canadien : la nomination de l'environnementaliste québécois notoire Steven Guilbeault au poste de ministre de l'Environnement. Son influence au sein du Cabinet sur toutes les questions environnementales était bien connue, mais elle n'avait jamais été révélée publiquement. Il n’aura plus à effectuer ce travail dans les coulisses : il pourrait désormais exercer pleinement son leadership dans ce dossier qui en influencera plusieurs autres. Ce faisant, il deviendra une cible encore plus importante pour les partis d'opposition.
  • Cette approche en matière de changements climatiques se répercutera également sur la façon dont le Canada gère les ressources naturelles. En demandant à l'ancien ministre de l'Environnement Jonathan Wilkinson de présider à la décarbonisation des secteurs pétrolier, gazier et minier du Canada, M. Trudeau envoie un autre message : le Canada est prêt à intensifier ses efforts pour atteindre la carboneutralité d'ici 2050, et sa détermination ne faiblira pas.
  • Plusieurs députés ont obtenu des promotions : Randy Boissonnault (le seul représentant de l'Alberta), Kamal Khera, Ginette Petitpas Taylor (qui revient au Cabinet), Helena Jaczek et Pascale St-Onge (la candidate vedette des dernières élections sera ministre des Sports).
  • Pendant ce temps, deux ministres importants ont été écartés de la liste : Marc Garneau (qui tout comme Stéphane Dion en 2017, se retirera probablement progressivement de la politique fédérale pour occuper un rôle diplomatique de premier plan) et Jim Carr (qui a connu de graves problèmes de santé au cours des dernières années). De plus, la plus grande surprise du jour est la nomination de Harjit S. Sajjan au poste de ministre du Développement international, alors qu’on lui attribuait largement l'incapacité du Canada à lutter contre le harcèlement sexuel au sein de l’armée.

Analyse

Tout porte à croire que M. Trudeau cherche à accomplir quelque chose de significatif : une victoire législative qui cimentera son héritage politique. Aucun premier ministre n'a encore tenté d'obtenir un quatrième mandat après deux victoires minoritaires consécutives. Les discussions sur l'avenir immédiat de M. Trudeau n'ont jamais été aussi nombreuses et, alors que son règne tire peut-être à sa fin, le premier ministre tente de réaliser des accomplissements significatifs. Tout indique que les trois dossiers les plus importants seront les suivants :

  • Les garderies : les premières démarches de Justin Trudeau auprès des provinces et des territoires étaient prometteuses. Cependant, il reste des juridictions à convaincre, dont la province la plus peuplée du Canada : l'Ontario. Des services de garderie abordables sont étroitement liés à la croissance économique, à la parité hommes-femmes et à l'inclusion.
  • La réconciliation : le Canada a finalement inscrit la Déclaration des droits des peuples autochtones dans son cadre juridique. Cependant, il reste maintenant la partie la plus difficile : transformer les objectifs ambitieux du document en un plan d'action concret. Les libéraux n'ont cessé de répéter au cours des six dernières années qu'aucune relation n'est plus importante que celle qu'ils entretiennent avec les peuples autochtones. Ils ont l'occasion de le prouver.
  • La lutte aux changements climatiques : après des années à être étiqueté comme hypocrite par le NPD, le Bloc québécois et divers segments de l'électorat progressiste, Justin Trudeau devra enfin faire taire les critiques sur son engagement à faire du Canada un leader mondial dans ce domaine.

Bien sûr, il faudrait aussi reconstruire l'ensemble de l'économie et mettre les valeurs canadiennes en évidence dans le monde entier. Plus encore, il faudra tenir compte de l’anxiété sociétale que ressentent la plupart des Canadiens, et qui se manifeste de plusieurs manières. Le gouvernement estime que l’équipe qu’il met en place aujourd’hui peut livrer la marchandise.

Les prochaines étapes

Le Parlement reprendra ses travaux le 22 novembre. Ce même jour, la gouverneure générale prononcera le discours du Trône : elle confirmera ainsi les priorités de ce nouveau gouvernement, qui seront ensuite déclinées en lettres de mandat pour chaque ministre du Cabinet.

Ce parlement minoritaire sera à nouveau contrôlé par les partis d'opposition. Cependant, le PLC bénéficiera probablement du soutien officieux du NPD pour faire passer la plupart de ses projets de loi.

Pour l'instant, cette session d'automne plutôt courte servira d'amorce aux choses à venir. NATIONAL continuera de suivre l'évolution de la dynamique sur la colline parlementaire.

——— Tiéoulé Traoré était directeur, Relations gouvernementales au Cabinet de relations publiques NATIONAL