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Le dilemme du « Pas de commentaire »

Enregistreuse et micro

Crédit photo : webphotographeer/iStock

Rédigé par
Conseiller spécial

Robert Lupien

Conseiller spécial

Rédigé par
Julien Baudry

Julien Baudry

Directeur

Crédit photo : webphotographeer/iStock

Il n’est pas rare de parcourir un article de presse pour y lire : « L’entreprise n’a pas souhaité faire de commentaire. » Ces quelques mots, souvent publiés dans des articles relatant un conflit, communiquent tout de même un message. L’absence de commentaire est tout simplement associée aux fautifs, aux coupables, ou à celles et ceux qui veulent cacher quelque chose. En cette ère de transparence et de méfiance vis-à-vis des entreprises, l’utilisation de la ligne « Pas de commentaire » peut également prêter à la critique en raison du biais de confirmation1 de certains publics.

Au-delà du message que cela envoie, refuser de commenter vous prive d’une occasion de communiquer votre position. Sachant que la majorité des articles avec cette mention ont une tonalité négative, les impacts peuvent être conséquents. Du reste, une telle réponse ne mettra pas un point à l’histoire qui vous concerne – au contraire. Il faut plutôt envisager d’autres stratégies. Ainsi, en fonction de votre relation avec un journaliste, recevoir une demande sans souhaiter pour autant commenter ne signifie pas qu’il faille abdiquer.

Des solutions à considérer

Au lieu d’utiliser l’expression « Pas de commentaire », considérez plutôt les réponses qui vous permettraient d’expliquer pourquoi vous ne commentez pas la situation. Par exemple, il peut être judicieux de dire « Pour des raisons juridiques, nous ne pouvons pas commenter la situation », voire de rappeler les faits (« Ce que nous savons aujourd’hui, c’est que… »).

N’hésitez pas à revenir sur des messages clés qui vous permettront de positionner votre organisation : « Nous ne pouvons commenter la situation pour l’instant, mais nous allons prendre le temps de le faire lorsque nous aurons pris connaissance des documents. » Il est toujours préférable d’expliquer que l’entreprise souhaite d’abord analyser la situation que de ne faire aucun commentaire. Cela témoigne d’une volonté de transparence et, dans bien des cas, permet de rappeler les contraintes que l’entreprise doit respecter. Faites confiance à l’intelligence des journalistes et des lecteurs, et n’oubliez jamais qu’en refusant fermement de commenter, vous laissez le contenu et le ton du message entre les mains d’autres intervenants.

Du « bon » usage du « Pas de commentaire »

Cependant, il peut arriver que cette expression soit utile. Par exemple, si la situation concerne un dirigeant ou le porte-parole de l’entreprise, la prudence est de mise. Le conflit interne, en lien avec la gouvernance, pourrait prendre une tout autre allure si le visage de l’organisation est en porte-à-faux avec sa propre entreprise.

L’absence de commentaire peut aussi être utile quand une autre personne de l’organisation a déjà communiqué sa position. Il suffit parfois qu’une seule personne parle sans tenir compte de ce qu’ont déjà dit ses collègues pour mettre en péril la cohérence du message. Il est alors possible de répondre que l’organisation ne fera aucun commentaire supplémentaire… pour l’instant.

Très souvent, au moment de former un porte-parole, nous insistons sur l’importance de faire fi des prémisses, voire des sous-entendus d’une question. Ainsi, quand une question ne vous permet pas de faire passer vos messages, il vaut parfois mieux éviter de nourrir la conversation. Il en est de même lorsque la question est hypothétique; il vous suffit alors de dire que vous ne pouvez pas répondre aux questions de ce type.

Qu’une entreprise ne souhaite pas se prononcer ou qu’elle préfère tout simplement se donner le temps d’évaluer la situation, cela va de soi. Cependant, l’erreur est souvent de croire que le « Pas de commentaire » fera l’affaire. Avant de l’employer, il faut y réfléchir et préparer les lendemains de ce message.

Répondre « Pas de commentaire » est un geste qui va rarement au-delà de la tactique. Avant de le faire, n’hésitez pas à faire appel aux experts de nos équipes. Comme aux échecs, les relations publiques exigent une vue d’ensemble de nos actions.

1 Le « biais de confirmation » se définit comme le fait de privilégier les informations confirmant ses hypothèses ou d’accorder moins d’importance aux données allant à l’encontre de ces mêmes hypothèses. Cliquez ici pour en savoir plus

——— Julien Baudry était directeur et leader, secteur Services professionnels, scientifiques et techniques au Cabinet de relations publiques NATIONAL