La lame à double tranchant du cadre proposé pour le CEPMB
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Quand l’intention de protéger les consommateurs canadiens limite l’accès à de nouveaux médicaments efficaces
Au cours des derniers mois, des discussions ont eu lieu dans l’industrie de soins de santé au sujet de la proposition de Santé Canada visant à modifier le Règlement sur les médicaments brevetés et à moderniser le cadre réglementaire du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB). Si ces changements sont adoptés, ils auront un effet considérable sur la vie des patients canadiens et sur le système de soins de santé dans son ensemble.
Santé Canada a proposé cinq éléments pour moderniser le cadre actuel du CEPMB. Ainsi, il affirme que le cadre réglementaire du CEPMB, qui date d’il y a 30 ans, ne protège plus efficacement les consommateurs canadiens contre les prix excessivement élevés et qu’il doit être mis à jour pour correspondre au marché actuel des médicaments (Partie I de la Gazette du Canada). Par conséquent, il a proposé des modifications afin de mieux outiller le CEPMB et lui accorder l’autorité d’exercer son mandat de réglementation des prix et de production de rapports.
Parmi les modifications proposées, on compte de nouveaux facteurs réglementaires relativement aux prix, lesquels évalueraient les prix des médicaments brevetés en tenant compte de leurs valeurs pour les patients, en plus de la volonté et de la capacité du Canada à les payer. On y retrouve également une exigence pour les titulaires de brevets de signaler les prix et revenus nets en prenant compte de toutes les ajustements de prix. Une autre modification proposée est la mise à jour de l’annexe des pays de comparaison, qui passerait de CEPMB7 à CEPMB12, en retirant les États-Unis et la Suisse – ayant des prix jugés plus élevés – pour ajouter d’autres pays comme la Belgique, l’Espagne, la Norvège, les Pays-Bas, l’Australie, le Japon et la Corée du Sud.
NATIONAL évalue les modifications proposées et leurs effets potentiels
Aussi noble et valable que puisse être l’intention derrière les modifications proposées, l’approche choisie repose principalement, voire exclusivement, sur une évaluation optimiste selon laquelle la modification du cadre actuel permettrait au CEPMB de mieux exécuter son mandat de réglementation des prix. Il est difficile de valider si une étude approfondie a été effectuée pour évaluer à l’avance l’ampleur ou les effets que de telles modifications auraient sur la santé des consommateurs canadiens et le système de soins de santé dans son ensemble. Au contraire, tout porte à croire que sans une analyse détaillée qui évalue toutes les conséquences possibles, le cadre réglementaire proposé pénaliserait les mêmes consommateurs canadiens qu’il est appelé à protéger.
Santé Canada a indiqué, dans les modifications proposées, qu’il ne prévoit aucune conséquence négative sur l’industrie pharmaceutique pour ce qui est du taux d’emploi et l’investissement dans l’économie canadienne; une supposition potentiellement dangereuse à la fois pour les consommateurs que pour l’économie. En effet, advenant l’adoption de ses modifications, Santé Canada estime que les titulaires de brevets essuieront une perte de revenu d’environ 8,6 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années (Partie I de la Gazette du Canada), une somme assez considérable qui pourrait avoir des répercussions négatives sur la façon dont ces titulaires de brevets attribuent leurs investissements en matière d’emploi et de recherche et développement (R-D) dans l’industrie pharmaceutique. Certains titulaires de brevets qui opèrent déjà au Canada, possiblement la majorité, pourraient se sentir obligés de réduire leurs effectifs, ou pire encore, relocaliser leurs activités de R-D dans d’autres pays. Ainsi, le Canada risquerait de perdre d’importants chercheurs qui contribuent grandement au R-D et qui placent le pays à l’avant-scène du secteur des sciences de la vie et des technologies de la santé. Qui plus est, de nouveaux investisseurs ou futurs titulaires de brevets pourraient renoncer à commercialiser ou à distribuer de nouvelles technologies et médicaments novateurs au Canada en raison de ces restrictions proposées. Si tel est le cas, le gouvernement du Canada pourrait sembler se contredire en contrecarrant tous les efforts fédéraux et provinciaux actuels de stimulation de la R-D en industrie pharmaceutique, lesquels visent à convaincre les compagnies biopharmaceutiques, les chercheurs et les investisseurs étrangers d’apporter leurs innovations et technologies de pointe dans notre pays. À long terme, le Canada pourrait finir par perdre son statut comme l’un des chefs de file du secteur des sciences de la vie et des technologies de la santé en Amérique du Nord.
Ces conséquences considérables produiraient des effets involontaires, compromettant ainsi l’accès des patients à des médicaments novateurs dans beaucoup de champs thérapeutiques que ni les patients ni le système de soins de santé ne sont outillés pour mieux le gérer. Les patients qui risquent d’être les plus pénalisés sont ceux qui ont un besoin pressant de traitements novateurs spécialisés et efficaces en cancer, maladies rares et maladies auto-immunes. Les nouveaux médicaments spécialisés dans ces indications, quoique coûteux, répondent à des besoins non comblés et offre une valeur thérapeutique indéniable aux patients. L’accès à ces traitements novateurs fait souvent la différence entre la vie ou la mort ou permet une amélioration de la qualité de vie pour les patients et leurs proches aidants.
Santé Canada et le CEPMB ont mené des consultations auprès de différentes parties prenantes de l’industrie de soins de santé. Même si certains étaient en accord avec le cadre réglementaire proposé, d’autres ont insisté sur la complexité de telles modifications, exhortant les décideurs à prioriser l’accès des patients aux nouveaux médicaments et à adopter plutôt un cadre réglementaire beaucoup plus flexible qui ne prioriserait pas seulement le coût par année de vie pondérée par la qualité (QALY) afin de tenir compte des avantages thérapeutiques de ces médicaments novateurs ainsi que les préférences des patients. La plupart des parties prenantes ont également exprimé des inquiétudes par rapport au cadre proposé de production de rapports, surtout en raison du fait que CEPMB n’a pas clairement spécifié comment il prévoit d’utiliser et de protéger les ajustements de prix confidentiels sans compromettre les ententes existantes avec les payeurs publics et privés. Le CEPMB mène actuellement une autre consultation avec l’aide d’un groupe d’experts pour appuyer la mise en œuvre des modifications proposées. Un rapport des délibérations et recommandations des experts sera soumis ce mois-ci au comité du CEPMB, suivi d’une nouvelle ébauche des lignes directrices du processus d’examen des prix plus tard cet automne.
Pour être en mesure de déterminer si le processus de consultation était juste et inclusif, il serait primordial que toutes les parties prenantes puissent accéder au rapport regroupant tous les consultations, commentaires et recommandations. Par ailleurs, il est difficile de savoir quel poids auront les recommandations des parties prenantes consultées, ainsi que les inquiétudes exprimées par d’autres parties prenantes, avant l’adoption des modifications proposées, le 1er janvier 2019.
Compte tenu de la grande incertitude entourant les modifications proposées, on peut se demander si un modèle juste et inclusif avec une approche décisionnelle axée sur le consensus ne serait pas la solution la plus efficace. Une telle approche pourrait aider le CEPMB à renforcer ses deux mandats sans mettre en péril la santé des patients canadiens à travers une diminution significative de l’accès aux nouveaux médicaments spécialisés et efficaces, sans oublier les conséquences qui en découleraient dans l’industrie pharmaceutique en ce qui a trait au taux d’emploi, à la R-D et aux investissements dans l’économie canadienne.
Le rôle du Cabinet de relations publiques NATIONAL dans ce dialogue
Chez NATIONAL, nous comprenons le milieu actuel des soins de santé et pouvons mettre à profit notre vaste expertise en santé et en relations publiques, ainsi que notre unique réseau bien connecté pour vous aider à simplifier les dossiers les plus complexes grâce à des solutions créatives et intégrées.
Nous nous spécialisons dans l’identification des parties prenantes – des professionnels de la santé aux groupes de défense des intérêts des patients, en passant par les représentants du gouvernement – et nous encourageons un dialogue qui fait évoluer les idées et les comportements et qui aboutit à des résultats favorables. Nos experts en santé forment une seule et même équipe pancanadienne et peuvent vous soutenir grâce à notre vaste gamme de services stratégiques en mobilisation de groupes de défense des droits des patients, relations avec les parties prenantes, relations gouvernementales, accès au marché et remboursement, communications intégrées et gestion de crise.
——— Cynthia Vanessa Muhimpundu était conseillère au Cabinet de relations publiques NATIONAL