Faire face à l'incertitude dans le cadre du projet de loi C-18
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Le 22 juin, le projet de loi C-18, la « Loi sur les nouvelles en ligne », a reçu la sanction royale en dépit d'un débat vigoureux à la Chambre des communes et des préoccupations exprimées par les principales parties prenantes, notamment les géants mondiaux de la technologie, dont Meta et Google.
Qu'est-ce que la Loi sur les nouvelles en ligne ?
Après avoir réussi à faire adopter par le Parlement le projet de loi C-11 ou Loi de 2020 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique, le projet de loi C-18 – la Loi sur les nouvelles en ligne – constitue la deuxième intervention législative majeure des libéraux de M. Trudeau, conformément aux promesses électorales du parti visant à uniformiser les règles du jeu entre le contenu canadien, l'industrie nationale de l'information et les géants mondiaux de la technologie.
Alors que la Loi de 2020 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique prévoit des dispositions pour le contenu canadien sur YouTube et d'autres plateformes de diffusion en continu telles que Netflix, la Loi sur les nouvelles en ligne établit un nouveau cadre juridique exigeant que les plateformes de médias sociaux et les moteurs de recherche fournissent une compensation équitable aux producteurs de nouvelles canadiennes lorsqu'ils partagent du contenu d'actualité canadien. Le ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez, a expliqué que le gouvernement fédéral prenait cette mesure en réponse aux inquiétudes suscitées par la migration des recettes publicitaires des médias d'information canadiens vers les plateformes de médias sociaux.
L'inspiration : la loi australienne sur le code de négociation des médias d'information
Avec la Loi sur les nouvelles en ligne, le gouvernement minoritaire libéral du Canada s'inspire du News Media and Digital Platforms Mandatory Bargaining Code Act (NMBC) de l'Australie, qui a été mis en place en 2021. Résultat : Google a averti les utilisateurs que la loi affecterait leur capacité à effectuer des recherches, et Meta a temporairement bloqué tous les contenus d'actualités sur sa plateforme en Australie. Finalement, après que des amendements aient rendu la loi moins stricte, les deux organisations ont conclu des accords pour un montant de plus de 200 millions de dollars australiens avec de nombreuses entreprises d'information afin d'éviter l'arbitrage obligatoire. Dans son premier examen du NMBC, le Trésor fédéral australien a qualifié la législation de succès.
Les derniers développements, un environnement politique fluide
Comme ce fut le cas en Australie, Meta et Google ont exprimé leurs préoccupations quant au nouveau cadre législatif. Les deux plateformes ont fait part de leur engagement respectif à cesser le partage de contenu d'actualités canadiennes une fois que la législation sera entrée en vigueur. La réponse de Meta a été communiquée dans une déclaration mise à jour le 22 juin, dans laquelle on peut lire : « Aujourd'hui, nous confirmons que la disponibilité des nouvelles sera interrompue sur Facebook et Instagram pour tous les utilisateurs au Canada avant l'entrée en vigueur de la Loi sur les nouvelles en ligne ». Le calendrier de cette interruption planifiée n'est pas clair pour le moment, bien que Meta ait déclaré qu'elle testait une fonction qui supprime la visibilité du contenu pour 5 % des utilisateurs canadiens.
Le 29 juin, Google a publié une déclaration qui indique que « lorsque la loi entrera en vigueur, nous devrons malheureusement supprimer les liens vers les actualités canadiennes de nos produits Search, News et Discover au Canada et C-18 nous empêchera de continuer à offrir notre produit Google News Showcase au Canada ».
En réponse aux préoccupations et aux mesures prises par Meta et Google, le Premier ministre Trudeau a déclaré que « le fait que ces géants de l'Internet préfèrent couper l'accès des Canadiens aux nouvelles locales plutôt que de payer leur juste part est un vrai problème... cela ne marchera pas ». S'alignant sur la position du Premier ministre, le ministre Rodriguez a tenu une conférence de presse le 5 juillet, aux côtés des critiques de l'opposition en matière de patrimoine, Peter Julian (Nouveau Parti Démocratique) et Martin Champaux (Bloc Québécois). Alors que l'alliance tripartite a confirmé l'intention du gouvernement d'aller de l'avant avec le cadre législatif adopté par le Parlement, le ministre Rodriguez s'est engagé à répondre aux préoccupations soulevées par les parties prenantes dans le cadre du processus réglementaire à venir.
À la suite de cette conférence de presse, Patrimoine Canada a publié un communiqué soulignant que le processus réglementaire aborderait les principales questions soulevées par les plateformes en ligne, notamment : l'établissement d'un seuil financier pour la compensation requise par les plateformes de médias sociaux aux organes de presse canadiens, par rapport à la position sur le marché ; la prise en compte des accords existants et l'octroi d'une compensation non pécuniaire.
Ce qui reste inconnu et les implications possibles à venir
Les dispositions de la Loi sur les nouvelles en ligne n'entreront en vigueur qu'une fois que le gouvernement aura finalisé les règlements prescrits dans le cadre d'un processus réglementaire distinct, qui sera dirigé par le ministre du Patrimoine. Étant donné les nouveaux rôles du ministère du Patrimoine canadien et du CRTC dans cette entreprise, l'élaboration de la réglementation pourrait s'avérer plus longue que les six mois estimés, qui constituent le délai le plus court prévu par la loi.
En dépit de cette avancée, les entreprises actives sur les plateformes d'information et de médias sociaux doivent être attentives dès maintenant et ne pas attendre qu'un cadre réglementaire soit mis en place. Il est essentiel de rester à l'écoute des nouveaux développements pour adapter les stratégies d'amplification de la couverture médiatique ou des contenus sponsorisés afin de continuer à garantir le meilleur retour sur investissement. NATIONAL voit déjà des développements rapides dans cet espace, dont l'annonce par le ministre Rodriguez d'un moratoire sur la publicité du gouvernement fédéral sur les plateformes de Meta et de Google. Des entreprises comme Bell, Cogeco et Quebecor ont emboîté le pas et annoncé un moratoire similaire.
Les implications à plus long terme dépendront de l'adoption de la réglementation finale, et notamment de la possibilité de faire des compromis en réponse aux préoccupations des géants de la technologie et du public canadien. En fonction des spécificités du cadre réglementaire et des politiques que les intermédiaires de l'information numérique mettront en place en réaction à ce cadre, cette nouvelle législation pourrait avoir des conséquences importantes pour les individus comme pour les organisations.
Pour le Canadien moyen, cela pourrait signifier qu'il devra accéder aux articles d'actualité canadiens par l'intermédiaire d'un VPN ou d'applications spécifiques et naviguer dans les politiques changeantes des plateformes. Pour les annonceurs, cela pourrait se traduire par une augmentation des coûts, les plateformes de médias sociaux cherchant à récupérer les frais qu'elles devront payer aux sources d'information canadiennes. D'un point de vue ou d'un autre, il ne fait aucun doute qu'au fur et à mesure que le gouvernement cherche à formaliser les modalités d'application de la loi, les Canadiens peuvent s'attendre à ce que des changements surviennent à la volée et avec très peu d'avertissement.
La voie à suivre
Pour se préparer à l'impact et au cadre réglementaire qui découlera du projet de loi C-18 et des réponses des diverses plateformes, NATIONAL recommande aux leaders de prendre les mesures suivantes en collaboration avec leurs équipes juridiques, numériques et médiatiques :
Déterminer si votre organisation est une « entreprise de presse admissible ». Si vos communications externes comprennent la publication d'articles de type blog qui pourraient être couverts par le projet de loi C-18 en tant que « contenu de nouvelles », il est préférable de vérifier avec vos équipes juridiques si votre organisation peut être considérée comme une entreprise de presse admissible.
Évaluer les contrats de contenu commandité et les stratégies d'amplification. Les placements de contenu commandité auprès des médias canadiens sont toujours fortement recommandés en tant que tactique efficace, étant donné la possibilité pour les organisations d'associer un message hautement contrôlé à la crédibilité et à l'autorité de médias d'information de premier plan. Dans le contexte du projet de loi C-18, sachant que les médias sociaux ne seront pas un facteur déterminant pour les clics, les organisations doivent examiner les accords et comprendre comment les organes d'information prévoient d'amplifier le contenu auprès de leur public. À l'avenir, des contrats solides devraient inclure des moyens tels que la publicité intégrée ou la distribution par le biais d'applications mobiles pour générer des impressions et des clics, plutôt que de compter sur la promotion par les médias sociaux.
Exclure les liens vers des contenus d'actualité des posts organiques des médias sociaux. Afin de s'assurer que le contenu n'est pas bloqué, ajuster les posts organiques des médias sociaux sur Meta pour qu'ils n'incluent pas de liens externes vers des contenus d'actualité. À long terme et au fur et à mesure que les politiques sont renforcées et finalisées, cela pourrait inclure des liens vers des podcasts, des vidéos ou des images susceptibles d'être considérées comme des nouvelles.
Si vous souhaitez discuter des implications potentielles du projet de loi C-18 pour votre entreprise, veuillez communiquer avec Azin Peyrow, directrice principale, Affaires publiques, ou avec l'associé directeur de votre région.
Bridgette Slater était directrice, Stratégie et communication d'entreprise au Cabinet de relations publiques NATIONAL