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Élection fédérale 2021 : l'importance inattendue de la politique étrangère

Drapeaux

Bien que les discussions sur la politique étrangère aient tendance à passer au second plan lors des élections fédérales puisque les candidats préfèrent se concentrer sur les questions qui touchent directement les électeurs, la situation est différente cette fois-ci. Dès le début de la campagne, qui a coïncidé avec la prise de contrôle de l'Afghanistan par les Talibans, la politique étrangère a joué un rôle plus important dans la campagne actuelle qu'au cours des dernières élections. La situation en Afghanistan n'est pas la seule thématique liée à la politique étrangère à occuper une place importante cette année. Les chefs des partis d’opposition ont continué à évoquer ces questions pour souligner l'inaction des libéraux tout au long de la campagne, y compris lors du dernier débat des chefs.

Voici un aperçu de la manière dont la politique étrangère s'est immiscée dans l'élection de 2021 :

Afghanistan

Les images du premier ministre, qui se rendait à Rideau Hall pour demander la dissolution du Parlement par la nouvelle gouverneure générale Mary Simon, défilaient aux côtés de celles des scènes de chaos à Kaboul dans les bulletins de nouvelles au début de la campagne. La situation instable en Afghanistan a été l'étincelle qui a forcé les dirigeants à aborder des questions épineuses liées à la politique étrangère depuis le déclenchement des élections. Selon un sondage effectué par Nanos Research, 45 % des Canadiens interrogés considèrent que la performance du gouvernement dans ce dossier est mauvaise ou très mauvaise.

De plus, selon une autre étude effectuée par l'Institut Angus Reid, quatre Canadiens sur cinq sont sensibles à cette question et attendent de voir comment la situation se réglera avant de décider si la mission d'évacuation a été ou non un échec de la part des dirigeants du Canada. Bien que cette enquête ait également révélé que 59 % des répondants ne laisseront pas la situation à l'étranger changer leur vote, un cinquième des répondants ont déclaré que les événements en Afghanistan les ont rendus moins susceptibles d'appuyer les libéraux. Les données indiquent aussi que les libéraux sortants pourraient consolider leur position si Justin Trudeau parvenait à présenter comme étant un homme d’État expérimenté sur la scène internationale dans le cadre d’un troisième mandat.

Lors du débat anglophone, Erin O'Toole a souligné l'insensibilité de la décision de M. Trudeau de déclencher une élection alors que l'Afghanistan tombait aux mains des Talibans et que 1200 Canadiens et des centaines d’interprètes attendaient l'aide du Canada : « Vous avez fait passer vos propres intérêts politiques avant le bien-être de milliers de personnes. Le leadership consiste à faire passer les intérêts des autres avant ses intérêts personnels. » Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a convenu avec M. O'Toole que le déclenchement d'une élection pendant la crise était une « démonstration de manque de leadership ». Alors que M. Trudeau défendait les mesures prises par son gouvernement en Afghanistan, la chef du Parti vert, Annamie Paul, lui a asséné un coup dur en déclarant : « Il semble que nous ayons obtenu de meilleures informations sur nos téléphones intelligents que M. Trudeau n'en a obtenu de tout notre service de renseignements. » M. Trudeau a répliqué à ses adversaires, les accusant de minimiser le travail des militaires et des diplomates pour faire sortir 3700 personnes d'Afghanistan, et 43 autres avec l'aide du Qatar plus tôt ce jour-là.

Chine

Entre le verdict d'extradition imminent de Meng Wanzhou, l'incarcération des deux Michael et les tensions commerciales actuelles, il est évident que le Canada devrait tenir une discussion sérieuse sur sa façon d’aborder ses relations avec la Chine. Le ministre des Affaires étrangères Marc Garneau a déclaré avant les élections que le gouvernement ne savait pas quand la Chine rendrait son verdict concernant Michael Kovrig.

De plus, au début de l'élection, l'agence fédérale de cybersécurité a signalé que le Canada pourrait être la cible d'une ingérence étrangère dans le cadre de l'élection fédérale. Après l'insurrection de 2020 au Capitole américain, les dirigeants du Canada devraient s'inquiéter de la réaction de certains citoyens s'il y a des soupçons d'ingérence dans cette élection fédérale. Mais si la Chine est au cœur des préoccupations de M. Garneau et des membres des services de cybersécurité, les libéraux sont restés discrets à ce sujet, eux qui l'ont mentionné une seule fois dans leur programme, identifiant la Chine comme un État autoritaire aux côtés de la Russie et de l'Iran.

Au cours de la même période, les conservateurs ont présenté un plan visant à durcir le ton à l'égard de la Chine, ce qui a permis à M. O'Toole d'en faire un levier contre le Parti libéral, en invoquant une inaction inexcusable face à des violations manifestes des droits de la personne. Lors du débat anglophone, il a déclaré que M. Trudeau avait été « absent » dans le dossier Huawei, qu'il n'avait pas défendu les 300 000 Canadiens à Hong Kong et qu'il n'avait pas lutté pour libérer Michael Spavor et Michael Kovrig. Pour le citer, « le Canada est le pays qui menait la lutte contre l'apartheid, nous avons créé le code des droits de l'homme de l'ONU. Nous devrions être des leaders pour nos valeurs, et vous avez laissé tomber les Michaels. Et il faut prendre la Chine au sérieux. » Cependant, des experts ont depuis indiqué que le plan du Parti conservateur sur la Chine pourrait aggraver des relations déjà houleuses. M. Trudeau a défendu les efforts de son gouvernement pour ramener les Michaels chez eux, rétorquant : « Si vous souhaitez ramener les Michaels chez eux, il ne suffit pas de lancer des tomates de l'autre côté du Pacifique. »

COVID-19

Des variants comme la souche Delta apparaissent dans des pays sous-développés où une grande partie de la population n'a même pas encore reçu la première dose du vaccin contre la COVID-19. Selon une recherche menée par Abacus Data en mai, une grande majorité de Canadiens (85 %) sont au moins un peu inquiets de voir de nouveaux variants se développer ailleurs et migrer au Canada. De plus, 78 % des Canadiens reconnaissent que si nous ne vaccinons pas tous les habitants du monde, de nouveaux variants continueront de faire surface. Les deux tiers des répondants conviennent que le taux de vaccination mondial a un impact sur nous tous, et qu'aucun d'entre nous n'est pleinement protégé tant que nous ne sommes pas tous vaccinés.

En raison de l’hésitation à se faire vacciner qui devient un problème de plus en plus important au Canada et des nouveaux variants qui augmentent les chances que les Canadiens aient besoin de doses de rappel, on se serait attendu à ce que les chefs des partis fédéraux se penchent en priorité sur la façon dont nous pouvons mettre fin à cette pandémie collectivement. Pourtant, la seule discussion de fond sur la question dans le cadre de la campagne a porté sur l'appui des chefs à la vaccination obligatoire des travailleurs fédéraux et des industries sous réglementation fédérale.

Alors que M. Trudeau tente d'obtenir un troisième mandat, la politique étrangère du Canada fait l'objet d'un examen minutieux et, bien que les intentions des électeurs ne soient peut-être pas directement influencées par ces questions, les Canadiens y prêtent certainement attention. Si l'électorat recherche un meilleur leadership sur la scène internationale, M. Trudeau a-t-il convaincu le public qu'il est la bonne personne pour livrer la marchandise?De même, les partis d’opposition ont-ils réussi à démontrer comment leurs façons d’approcher ces enjeux seraient plus efficaces?

L'équipe de NATIONAL surveillera ces enjeux et tentera d'obtenir des réponses à ces questions dans la dernière ligne droit de la campagne actuelle.

Consultez notre section spéciale Élection fédérale 2021 pour retrouver les plus récentes perspectives de nos experts.