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Combattre un ennemi invisible : retour sur la session parlementaire fédérale

Combattre un ennemi invisible : retour sur la session parlementaire fédérale

La table était mise pour des débats enflammés sur les perspectives économiques à long terme du Canada et les mécanismes à privilégier pour accélérer le retour à une vie normale.

Malheureusement, la pandémie a une fois de plus forcé les parlementaires à concentrer leur attention sur le court terme.

La réémergence du virus et l’arrivée de nouveaux variants plus mortels, combinées à des délais inopportuns dans le lancement des campagnes de vaccination, ont augmenté le niveau d’anxiété et de frustration des Canadiens (au point de faire les manchettes de grands médias internationaux comme CNN).

Conséquemment, la popularité du gouvernement libéral en a été brièvement affectée, mais le vent a tourné lorsque des millions de doses de vaccin sont finalement arrivées au Canada, permettant le début des campagnes de vaccination à travers le pays. Après avoir accusé un retard sur de nombreux pays dans les premiers mois de la campagne, le Canada figure maintenant parmi les chefs de file mondiaux pour le pourcentage de la population ayant reçu au moins une dose de vaccin contre la COVID-19.

Bien que la COVID-19 demeure la priorité, le gouvernement Trudeau est parvenu à franchir plusieurs jalons importants :

  • Le dépôt du premier budget fédéral depuis plus de deux ans. Un plan directeur féministe et vert, présentant une priorité à court terme claire (combattre la pandémie de COVID-19) tout en esquissant les bases des efforts de relance économique du Canada, s’appuyant sur un gouvernement fédéral fort et centralisateur qui continuera d’investir des milliards de dollars pour combattre les changements climatiques et soutenir les groupes de population qui font face à des obstacles pour atteindre leur plein potentiel via l’introduction de programmes pancanadiens.
  • Après une tentative ratée en 2019, le gouvernement a finalement réussi à faire adopter la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Cette loi procurera des droits élargis aux communautés autochtones, dont la possibilité de donner leur consentement libre, préalable et informé aux projets de développement majeurs.
  • Les libéraux se sont également attaqués aux très attendues réformes de la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les langues officielles (bien que la présentation de la seconde, à peine quelques jours avant la fin de la session et dans un contexte de possible prorogation de la Chambre des communes, a été accueillie avec cynisme par les partis d’opposition). **

Les partis d’opposition ont pour leur part éprouvé de la difficulté à présenter une vision alternative aux Canadiens.

  • Depuis sa nomination à titre de chef du Parti conservateur, Erin O’Toole rencontre de nombreux obstacles. Son projet de taxe sur les carburants à base d’hydrocarbure pour les particuliers – une proposition visant à pallier son talon d’Achille, soit l’absence d’un plan environnemental clair – a été reçu avec incrédulité par les membres de son caucus et vivement critiqué par ses partisans, qui ont même voté contre la proposition d’enchâsser la reconnaissance des changements climatiques dans la constitution du parti. Tout au long de la session, le parti a paru déconnecté : ses critiques à l’endroit de la campagne de vaccination du Canada étaient sans fondement; les espoirs de nouvelles entorses aux règles d’éthique de la part du gouvernement Trudeau ne se sont pas réalisés; et les prises de bec sur des questions sociales que les Canadiens n’ont pas envie de rouvrir (son aile sociale-conservatrice a encore une fois tenté de raviver le débat sur le droit à l’avortement) ont contribué à marginaliser le Parti conservateur aux yeux de certains groupes d’électeurs dont il a désespérément besoin pour battre les libéraux. Cela dit, le parti compte toujours sur une base solide et récolte environ 30 % des intentions de vote. Il constitue l'alternative la plus crédible au gouvernement actuel.
  • Le Bloc québécois continue d’obtenir de bons résultats dans les sondages au Québec, mais à l’exception d’envolées en fin de session au sujet des langues officielles et de la volonté du Québec de modifier unilatéralement la Constitution canadienne, le parti a été plus discret qu’à l’habitude.
  • La plupart des sondages indiquent que le NPD est sur une lancée. Le parti a réussi là où il avait échoué depuis les premiers jours de ce parlement minoritaire : il est parvenu à présenter une distinction claire entre ses propositions et celles des libéraux. Toutefois, cet élan est avant tout alimenté par les bonnes performances de ses homologues provinciaux en Colombie-Britannique, en Alberta et au Manitoba. Une situation qui n’est pas sans rappeler le contexte de 2015, qui s’était soldé par une défaite amère. Pour éviter de revivre cette histoire, le parti devra s’appuyer sur des bases moins éphémères.
  • Le Parti vert a perdu le tiers de son caucus et considère ouvertement se débarrasser de sa cheffe récemment nommée. Ses perspectives électorales en vue d’un potentiel scrutin automnale sont plutôt sombres.

Tout au long de ce 43e Parlement, la possibilité de voir les libéraux déclencher une élection en 2021 a été l’éléphant dans la pièce.

À Ottawa, malgré le contexte pandémique, les rumeurs sont plus fortes que jamais. Le premier ministre se prépare-t-il en vue d’une élection cet automne, galvanisé par sa gestion réussie de la campagne de vaccination et par l’espoir que les Canadiens voudront remercier son gouvernement d’avoir été là pour eux dans les moments difficiles?

En voyant les résultats des premiers ministres provinciaux sortants (qui ont tous réussi à maintenir ou augmenter leur nombre de sièges dans leur province ou territoire respectif), l’équipe Trudeau doit croire qu’une élection sera une consécration pour la façon dont elle a mené le bateau à travers la tempête. Les libéraux ont même réussi à recruter la députée Jenica Atwin, une étoile montante du Parti vert.

Or, les libéraux ne sont pas sans faille :

  • Malgré des sondages favorables, les libéraux ne sont pas en territoire majoritaire. En vérité, une élection en 2021 pourrait être une répétition de l’exercice de 2019. Ils devront se démarquer dans les comtés ruraux, ce qui est toujours un défi pour eux.
  • Justin Trudeau n’est plus un nouveau venu. Il est un vétéran dont les tendances progressistes sont de plus en plus contestées par les autres voix progressistes. Une fatigue pourrait s’installer chez de nombreux électeurs.
  • Sur les questions des droits autochtones et les inconduites sexuelles dans l’armée, les libéraux ont par moment paru passifs. Un tel comportement n’est pas dans les habitudes du parti et pourrait aliéner les électeurs de centre-gauche dont il a cruellement besoin pour maintenir le pouvoir.
  • L’ampleur de l’actuel déficit fédéral pourrait éventuellement devenir une préoccupation pour plusieurs Canadiens qui anticipent un retour à la normale plutôt lent.
  • Et finalement, ce gouvernement a démontré à maintes reprises une tendance à fabriquer ses propres malheurs.

Le premier ministre résistera-t-il à l’envie de déclencher une élection? Cela semble peu probable. Et si les Canadiens sont appelés aux urnes, la gestion de la pandémie sera-t-elle l’enjeu principal? NATIONAL surveillera attentivement ce qui s’annonce comme un été riche en rebondissements.

——— Tiéoulé Traoré était directeur, Relations gouvernementales au Cabinet de relations publiques NATIONAL

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Rédigé par Simon Beauchemin | Gordon Taylor Lee

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23 juin 2021