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Un regard pancanadien sur le discours du Trône

Un regard pancanadien sur le discours du Trône

Le discours du Trône du gouvernement Trudeau du 23 septembre dernier était particulièrement attendu, puisqu’il survenait au cœur d’une pandémie mondiale et d’une période de grande incertitude économique. Le discours du Trône articule le plan de match du gouvernement. Il précise ce sur quoi il entend concentrer ses efforts, et par extension, ce sur quoi il entend dépenser au cours de son mandat.

Les experts en affaires publiques de NATIONAL livrent leur analyse de la réception du discours dans les différentes régions du pays, d’un océan à l’autre.

Point de vue des provinces de l’Atlantique

Dans l’est du pays, la bulle de l’Atlantique n’a toujours pas éclaté. Cette bulle est devenue le symbole de la coopération dans la région. Malgré des philosophies politiques divergentes et des élections qui ont complexifié le processus, les premiers ministres sont restés unis au nom de la santé et de la sécurité.

La région compte la population la plus âgée du pays, et les débats sur les soins de santé monopolisaient les discours politiques bien avant la pandémie. L’approche prudente adoptée par les gouvernements provinciaux a protégé la région contre des éclosions importantes de COVID-19. Les Canadiens des provinces de l’Atlantique sont inquiets pour leur santé, une situation qui se reflète notamment dans le soutien continu pour les mesures de restriction des déplacements.

Les gouvernements provinciaux de l’Atlantique accueilleront favorablement l’engagement du fédéral pour la mise en place de normes nationales pour les centres de soins de longue durée, mais le diable est dans les détails. Les premiers ministres exigeront que ces promesses se réalisent par l’entremise du transfert canadien en matière de santé. Ces négociations entre le fédéral et les provinces peuvent être parmi les plus acrimonieuses, et il sera intéressant de voir si la région demeurera unie dans ses interactions avec Ottawa – et si cette approche sera partagée avec les autres provinces et territoires.

L’incertitude économique persiste en ce qui concerne les secteurs les plus touchés par la pandémie. L’industrie du tourisme et de l’hôtellerie est importante pour le Canada atlantique, et s’attendait à une année record. L’engagement du gouvernement fédéral pour soutenir cette industrie sera bien accueilli par les opérateurs touristiques de la région, qui nécessitent des fonds pour se stabiliser et se préparer à une relance qui pourrait prendre des années.

L’économie de l’Atlantique s’appuie largement sur l’abondance des ressources naturelles – foresterie, pêcherie, mines, exploitation gazière et pétrolière. Le discours du Trône, en exposant sa vision d’une économie propre et durable, a appuyé le projet Atlantic Loop, qui permettra de transférer les surplus d’énergie propre vers les régions qui dépendent actuellement du charbon. Du même coup, le gouvernement fédéral réitère son engagement à protéger les emplois dans le secteur des ressources naturelles et de l’énergie, répondant ainsi aux préoccupations de Terre-Neuve-et-Labrador qui s’inquiète pour son secteur pétrolier et gazier mis à mal. Cela illustre bien le défi politique des libéraux – proposer une vision du futur tout en évitant de s’aliéner une région.

Point de vue du Québec

La gouverneure générale n’avait pas encore fini la lecture du discours du Trône que déjà François Legault réagissait sur les réseaux sociaux. Le premier ministre du Québec a qualifié de « décevant » ce discours qui, selon lui, ne respecte pas les champs de compétences des provinces.

L’ensemble des partis d’opposition à Québec a également décrié l’ingérence d’Ottawa dans l’administration des provinces.

Depuis des années, les transferts en santé sont le principal cheval de bataille du Québec et de l’ensemble des provinces canadiennes. M. Legault, qui nage maintenant dans les déficits en raison de la pandémie actuelle, espérait que M. Trudeau profite de son discours du Trône pour annoncer une hausse de ces transferts. Annuellement, les dépenses en santé augmentent de 5 % à 6 %, alors que les transferts fédéraux sont bonifiés de 3 %. C’est un manque à gagner de près de 12 milliards chaque année pour le Québec. Le poids de ces transferts fédéraux n’a cessé de diminuer au cours des 40 dernières années, passant de 50 % à environ 20 % des dépenses en santé des provinces. Cette diminution des transferts exerce une pression sur les provinces dont les dépenses en santé ne cessent d’augmenter.

Au cours de la prochaine année, François Legault entend profiter du fait qu’il préside le Conseil de la fédération canadienne pour faire pression sur le fédéral afin que ces transferts soient majorés. L’ensemble des provinces l’appuie dans cette démarche, particulièrement l’Ontario, qui a d’ailleurs fait front commun avec le Québec au début du mois dans ce dossier. Au plan politique, François Legault use de sa popularité pour faire fléchir Justin Trudeau, dont le gouvernement minoritaire est susceptible d’être renversé à tout moment. De son côté, le premier ministre Trudeau utilise l’hécatombe dans les CHSLD pour introduire des conditions à ses transferts en santé.

Parmi les autres inquiétudes du Québec à l’égard des intentions d’Ottawa figurent le financement de places en garderie ainsi que la création d’un régime universel d’assurance médicaments. Le Québec réclame un droit de retrait avec compensation financière puisqu’il a déjà un réseau de garderie et un régime d’assurance médicaments. Le premier ministre canadien a, jusqu’ici, refusé cette demande formulée par Québec.

Ce discours du Trône n’aura certes pas contribué à améliorer les relations entre Québec et Ottawa. Nous verrons dans le prochain budget du gouvernement Trudeau si le message des provinces sur les transferts fédéraux aura été entendu.

Point de vue de l’Ontario

En Ontario et à Queen’s Park, la recherche de fonds supplémentaires pour la santé constituera une priorité. Face à I’augmentation inquiétante des cas de COVID-19, le gouvernement Ford a alloué un peu plus d’un milliard de dollars à l’amélioration du dépistage des cas et du traçage des contacts. Toutefois, le premier ministre Doug Ford continue de presser le gouvernement fédéral d’accélérer l’approbation de nouvelles méthodes de dépistage qui ont déjà été approuvées à l’international.

Mis à part la COVID-19, plusieurs initiatives pourraient être critiquées par le premier ministre ontarien, notamment l’introduction d’un programme national d’assurance médicaments, d’autant plus que l’une des premières actions de son gouvernement avait été de réduire son pendant provincial, le programme OHIP+, précédemment introduit par le gouvernement Wynne.

Sur une note plus positive, les engagements fédéraux visant à réduire les barrières commerciales interprovinciales correspondent bien à la philosophie de libre échange du premier ministre Ford, tout comme les investissements dans les infrastructures, le transport en commun et les véhicules zéro émission, qui sont notamment produits à l’usine de Ford à Oakville.

Il faudra aussi garder à l’œil les négociations entre la province et le gouvernement fédéral concernant le transfert canadien en matière de santé. La santé, qui est le plus important poste budgétaire de toutes les provinces, fait toujours partie des plus hautes priorités, surtout en cas de pandémie.

Point de vue de l’Alberta

La grogne prend de l’ampleur en Alberta, et la question du pétrole est source de bien des frictions entre la province et Ottawa.

Le premier ministre Jason Kenney, qui s’en prive rarement, a exprimé très clairement sa position sur le discours : « Nous ne générerons pas assez de croissance économique pour soutenir de telles dépenses publiques en tournant le dos aux ressources et aux secteurs connexes qui ont été les principaux piliers de l’économie canadienne. »

Kenney a critiqué le gouvernement fédéral pour son manque de soutien au secteur pétrolier et gazier lors de la pandémie de COVID-19 et pour avoir ignoré la demande des premiers ministres d’augmenter les transferts de santé en plus de perturber l’équilibre économique. L’ancienne première ministre et chef de l’opposition Rachel Notley a soutenu que le manque de collaboration entre Kenney et Ottawa nuirait aux Albertains; le NPD a vivement critiqué le gouvernement de l’UCP depuis les débuts de la pandémie.

La plupart des Albertains ont une profonde aversion pour l’endettement, et l’affirmation du premier ministre Trudeau selon laquelle « les Canadiens ne devraient pas avoir à contracter des dettes personnelles que leur gouvernement peut mieux assumer » ne résonne pas dans l’ensemble de la population. Les habitants s’inquiètent de l’énorme déficit que l’Alberta a elle-même contracté et se demandent d’où viendront les fonds destinés aux budgets provinciaux, aux programmes fédéraux liés à la COVID-19 et aux dépenses envisagées dans le discours du Trône. À des milliers de kilomètres de distance, Edmonton et Ottawa s’observent encore avec méfiance.

Point de vue de la Colombie-Britannique

En Colombie-Britannique, en exagérant à peine, on peut affirmer que le discours du Trône fait beaucoup de bruit pour rien. Avec les élections provinciales prévues pour le 24 octobre, tous les regards sont rivés sur le premier ministre John Horgan et ses efforts pour maintenir son gouvernement du NPD au pouvoir.

En marge de sa campagne, Horgan a offert son soutien au prolongement de la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC) et au projet de programme national de garderie : « J’attends avec impatience l’arrivée de nouvelles ressources fédérales pour les garderies, qui sont une priorité partagée et qui seraient aussi l’une des priorités advenant la réélection du gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique. »

Pour Horgan, l’objectif était de présenter le discours du Trône de la meilleure manière pour maximiser ses chances de réélection. Cela implique de rappeler aux électeurs son bilan en matière de gestion de la COVID-19 et des garderies, tout en courtisant les partisans libéraux fédéraux qui, au niveau provincial, ont tendance à alterner entre le NPD et les libéraux.

La réaction en Colombie-Britannique renforce le vieil adage politique selon lequel la politique est toujours locale. Les premiers ministres, les chefs de l’opposition, les maires et autres décortiqueront le discours du Trône pour y déceler toute phrase ou tout mot ambigu soutenant leurs positions. Il reste à voir si ces mots et ces phrases se traduiront ou non en dollars et en actions.

L’équipe pancanadienne Affaires publiques de NATIONAL possède une portée et une expertise à travers le pays et est en mesure d’examiner des questions cruciales, tant au niveau fédéral que provincial.

——— Rédigé par Braedon Clark, conseiller principal, Yash Dogra, conseiller principal, Affaires publiques Affaires corporatives, Jeffrey Ferrier, vice-président, Affaires publiques Communications stratégique, John Sparks, conseiller stratégique et Cynthia St-Hilaire, conseillère principale au Cabinet de relations publiques NATIONAL