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Chrystia_Freeland
Rédigé par
Andrew Richardson

Andrew Richardson

Rédigé par
Jean Michel Laurin

Jean Michel Laurin

Vice-président

L’Accord États-Unis–Mexique-Canada (AEUMC) est un jalon important, mais tout n’est pas joué

L’accord

L’entente de la dernière heure survenue entre le Canada et les États-Unis pour moderniser l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a été accueillie avec un soupir de soulagement par certaines industries, tandis que d’autres sont loin d’être ravies du résultat.

Le texte sur lequel se sont entendues les parties comprend quelques gains, mais aussi des reculs pour le Canada :

  • Les États-Unis gagnent un meilleur accès au marché canadien des produits laitiers. Au total, les ventes des producteurs américains au Canada pourront équivaloir à 3,59 % du marché, ce qui est légèrement supérieur à ce qui a été accordé dans le cadre du Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) duquel les États-Unis se sont retirés ;
  • Les consommateurs canadiens qui magasinent aux États-Unis devraient faire des économies grâce au rehaussement du seuil de minimis, qui passe de 20 $ à 40 $ pour qu’un achat soit exempté de taxe de vente et à 150 $ pour qu’il soit exempté de frais de douane ;
  • La clause crépusculaire qui constituait un irritant majeur pour le Canada a été remplacée par une nouvelle disposition moins contraignante ;
  • Le chapitre 19, qui décrit le mécanisme de résolution des conflits entre les États est maintenu, tandis que le chapitre 11, qui régit les conflits entre les entreprises et les États disparaît, sauf en ce qui a trait au Mexique.
  • Les règles de propriété intellectuelle et le régime du droit d’auteur ont été modifiées. Ainsi, les droits d’auteurs se perpétuent désormais pendant 70 ans après le décès d’un créateur plutôt que 50 ans.
  • La période d’exclusivité accordée aux nouveaux médicaments innovateurs passe de huit ans à dix ans, ce qui forcera les fabricants de génériques à attendre plus longtemps avant de commercialiser des nouvelles molécules.
  • Le nouvel accord fournit des garanties contre l’imposition de tarifs douaniers sur les automobiles produites au Canada.

Lors d’un entretien téléphonique lundi matin, le premier ministre Justin Trudeau et le président américain Donald Trump ont insisté sur le fait que l’accord rapprocherait les deux pays, créerait des emplois, favoriserait la classe moyenne, améliorerait la compétitivité nord-américaine et se traduirait par plus de stabilité, de prévisibilité et de prospérité sur le continent.

Les questions

L’accord laisse cependant plusieurs questions en suspens, notamment :

  1. L’imposition de tarifs sur l’acier et l’aluminium en vertu de la section 232 fait encore l’objet de discussions Les tarifs imposés par les États-Unis sur l’acier et l’aluminium canadiens, soi-disant pour des raisons de sécurité nationale, ont mis beaucoup de pression sur le Canada. Le président américain a déclaré à plusieurs reprises que ces mesures punitives seraient levées à la signature d’un nouvel accord. Or, ce n’est pas le cas. L’AEUMC donne 60 jours aux deux parties pour trouver une issue.
    Il n’est pas clair si ce délai est une tactique pour obtenir des gains additionnels ou s’il s’agit d’une manière de bien distinguer la négociation d’accords commerciaux de l’imposition de tarifs au nom de la sécurité nationale.

  2. Le président américain demeure imprévisible Le Président Trump est imprévisible et fier de l’être. À son avis, il s’agit de la meilleure manière de garder tant ses alliés que ses adversaires sur la brèche. L’histoire récente démontre qu’on ne peut prédire avec certitude ce à quoi il est prêt pour obtenir une victoire politique.

Les obstacles

Même s’il fait l’objet d’un accord de principe, l’accord doit être ratifié par les élus, tant au Canada qu’aux États-Unis. Et rien ne permet de penser que le processus sera sans embûches.

Au Canada

L’AEUMC sera certainement ratifié au Canada, ne serait-ce que parce que le gouvernement libéral détient une majorité des sièges à la Chambre des communes. Cela n’empêchera cependant pas les partis d’opposition de dénoncer sans relâche les failles de l’accord, dans l’espoir de marquer des points lors de la prochaine élection fédérale prévue pour le 21 octobre 2019.

Les industries mécontentes de l’accord trouveront des alliés tant chez les conservateurs, qui forment l’opposition officielle, qu’au Nouveau Parti démocratique (NPD). C’est notamment le cas des producteurs agricoles, et particulièrement des producteurs laitiers, qui ont très mal accueilli l’AEUMC.

Les élus libéraux des régions rurales du Québec et de l’Ontario, où sont concentrés les producteurs sous gestion de l’offre, pourraient sentir la soupe chaude au cours des prochains mois.

Aux États-Unis

La ratification du nouveau traité pourrait être considérablement plus difficile aux États-Unis, où se tiendront en novembre des élections de mi-mandat au terme desquelles les républicains pourraient perdre leur majorité à la Chambre des représentants et au Sénat.

Si les démocrates prennent le contrôle du Congrès, ils pourraient décider de bloquer la ratification de l’accord ne serait-ce que pour priver le Président Trump de la victoire qu’il désire tant.

La suite des choses

L’accord a été signé, mais cela ne veut pas dire que tout est désormais réglé. Plusieurs associations sectorielles pourraient intensifier leurs efforts de lobbying dans l’espoir d’atténuer les conséquences négatives du traité sur leurs membres. Certains éléments importants, tels que l’allocation des quotas d’importation de produits agroalimentaires n’ont pas encore été décidés.

L’AEUMC est signé, mais rien n’est encore scellé. Il est encore temps pour les entreprises et les parties prenantes de faire connaître leur opinion sur les règles qui gouverneront le commerce en Amérique du Nord pour les prochaines décennies.

——— Jean Michel Laurin était vice-président au Cabinet de relations publiques NATIONAL

——— Andrew Richardson était directeur adjoint, Politiques et stratégiea au Cabinet de relations publiques NATIONAL

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