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Énoncé économique de l'automne : la politique de la corde raide

Justin Trudeau et Bill Morneau à la Chambres des communes du Canada
Rédigé par
Andrew Richardson

Andrew Richardson

Et l’art de ne pas tomber dans un précipice politique.

L’énoncé économique de l’automne présenté mercredi par le ministre des Finances du Canada, Bill Morneau, était dépourvu de grandes surprises. D’une part, le gouvernement est confronté à un contexte d’investissement privé de plus en plus incertain et, d’autre part, il est reconnu en tant que défenseur de la classe moyenne prêt à investir lorsque cela est nécessaire. Avec une campagne électorale en vue, qu’est-ce que cela signifie pour l’élection de 2019 et ceux qui cherchent à interagir avec le gouvernement au cours de la prochaine année ?

Le ministre des Finances, Bill Morneau, a dévoilé à la Chambre des communes son énoncé économique de l’automne, annonçant que lui et le gouvernement estiment que l’économie canadienne est vigoureuse à l’aube de la nouvelle année. Bien que l’énoncé contienne peu de nouveaux engagements substantiels en matière de dépenses, le gouvernement a annoncé des mesures ciblées visant à garantir que l’industrie canadienne demeure compétitive dans un contexte d’investissement de plus en plus concurrentiel.

L’énoncé économique n’était guère surprenant compte tenu du fait que le gouvernement avait signalé l’essentiel de son contenu au cours des semaines précédentes, mais ce qui était encore plus prévisible, c’est que le gouvernement libéral saisit cette occasion pour se positionner comme un bon gestionnaire de l’économie en vue des élections fédérales d’octobre 2019. Le gouvernement Trudeau s’appuie depuis longtemps sur son message selon lequel il est un champion de la classe moyenne et il ne peut donc pas vraiment se risquer de nuire à sa marque de commerce si près des prochaines élections.

C’est là que réside le défi pour le gouvernement. Le président Trump et le Congrès américain sous contrôle républicain ont mis en œuvre une réforme fiscale qui a renforcé la compétitivité économique des États-Unis, et l’industrie canadienne réclamait l’adoption de mesures fiscales similaires ici. Cela s’ajoute au fait que le Canada est toujours dans un environnement international relativement instable en matière d’investissements internationaux avec un gouvernement américain qui semble déterminé à attirer l’investissement des entreprises.

À l’inverse, le premier ministre et son gouvernement savent qu’ils ne peuvent pas être perçus comme dépensant trop d’argent pour apaiser la grande entreprise, de peur qu’ils ne soient accusés d’être déconnectés des besoins et des attentes des Canadiens moyens. Le faire maintenant les exposerait à des attaques dommageables pour leur marque de commerce alors qu’ils entrent dans une période critique avant les prochaines élections. Ce gouvernement (et ses stratèges) comprend qu’il vaut mieux se battre sur les champs de bataille de son choix. Celui-ci fait donc de son mieux pour définir le paysage politique et économique de manière à lui conférer le meilleur avantage possible pour la prochaine élection.

Cela nous ramène à la mise à jour financière d’automne et à la raison pour laquelle le gouvernement ne bouge pas autant que ne l’aurait souhaité l’industrie en ce qui concerne les réductions d’impôt sur les sociétés et qu’il persiste en affirmant que l’économie est forte, stable et continuera de s’améliorer. En bref, la série d’annonces faites mercredi constitue la première étape d’un processus plus long visant à définir le terrain de jeu économique sur lequel le premier ministre Trudeau défendra son gouvernement lors des prochaines élections.

C’est pourquoi le ministre Morneau a mis en place des mesures permettant aux entreprises canadiennes de déduire leurs dépenses en capital à des taux majorés plutôt que d’annoncer des réductions sur l’impôt des sociétés à grande échelle. C’est une mesure qui réussit à la fois à assurer la stabilité et la compétitivité de l’économie canadienne tout en étant fidèle à la marque de commerce du Parti libéral en tant que champion de la classe moyenne.

Cet équilibre délicat se manifeste également dans le plan du gouvernement visant à aider le secteur de la presse. Bien que le gouvernement ne souhaite pas appuyer les médias d’une manière qui pourrait être perçue comme pouvant compromettre leur neutralité politique, il est toutefois aux prises avec une situation où des médias affaiblis comptent suffisamment dans une démocratie libérale pour justifier le risque politique de leur venir en aide.

Autrement dit, le premier ministre et son gouvernement semblent être parfaitement conscients du fait que les plans les mieux conçus sont souvent relégués aux oubliettes et qu’il est préférable de choisir un plan équilibré au cas où une surprise surviendrait au beau milieu d’un cycle électoral animé. Ceux qui cherchent à dialoguer avec le gouvernement en 2019 doivent être prêts à tenir compte de cette approche équilibrée sur laquelle mise le gouvernement, sinon ils risquent d’être ignorés d’ici à ce que la poussière électorale se dissipe.

Pour de plus amples analyses du contexte politique canadien, communiquez avec nos experts en affaires publiques et relations gouvernementales.

——— Andrew Richardson était directeur adjoint, Politiques et stratégiea au Cabinet de relations publiques NATIONAL

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