Allez au contenuAllez à la navigation

Face-à-Face de TVA : du chaos sans K-O

Face-à-Face de TVA : du chaos sans K-O

Hier soir avait lieu le débat électoral Face-à-Face de TVA lors duquel les cinq chefs de partis ont tenté de convaincre la population de leur faire confiance pour mener le Québec pour les quatre prochaines années.

Nos experts décortiquent les interventions de chaque chef et présentent les points marquants.

Dominique Anglade, Parti libéral du Québec (PLQ)

Alexandre Boucher, vice-président principal, Affaires publiques (AB) : Est-ce l’énergie du désespoir, mais Dominique Anglade a été particulièrement efficace et combative dans les deux premiers segments du débat. Or, sur le segment sur l’identité, elle a affiché sa vulnérabilité. Beaucoup d’humanité dans les propos, avec des interventions truffées d’exemples concrets. Elle adopte le bon ton et passe à l’offensive lorsque nécessaire.

Parmi tous les chefs, Mme Anglade est celle qui positionne le plus les éléments de son programme.

Edith Rochette, vice-présidente et leader, secteur Transport et mobilité urbaine, Communication d’entreprise (ER) : La chef du Parti libéral est très posée, passe bien ses idées, est convaincante et adopte le bon ton. Elle est combative mais sans dépasser les bornes. Son débit est bon et équilibré. Elle se montre humaine et souriante. Elle démontre une grande aisance et une habileté à esquiver les pièges et attaques. Elle a réussi à s’imposer devant les quatre autres chefs avec efficacité, fermeté et assurance.

Guillaume Fillion, directeur, Affaires publiques (GF) : Mme Anglade a connu un début de débat solide et en confiance. Elle maîtrisait parfaitement son ton et ses attaques. En insistant sur la pénurie de main-d’œuvre, elle prend le parti des entreprises et comme les solutions pour y remédier sont complexes, elle peut attaquer M. Legault efficacement.

Les engagements du Parti libéral sont multiples et on sent un véritable réalignement vers la gauche du parti. Est-ce que ça collera avec les électeurs? À suivre le 3 octobre au soir.

Hugo Morissette, directeur principal, Analyse et affaires publiques (HM) : La chef du PLQ a opté pour une stratégie pédagogique pour ce débat. Elle a présenté les principaux éléments de son programme en s’adressant à ses clientèles cibles. Bien qu’elle opinait fréquemment lors des prises de parole de ses adversaires, elle a souhaité se présenter aux Québécois et leur offrir sa vision du Québec.

Elle a démontré qu’elle méritait le titre du célèbre personnage de la série Harry Potter, Hermione Granger. Tout comme ce personnage, madame Anglade a prouvé qu’elle était studieuse, déterminée et convaincue.

Éric Duhaime, Parti conservateur du Québec (PCQ)

AB : M. Duhaime aura été en mesure de démontrer qu’il est autre chose qu’une opposition aux mesures sanitaires. D’ailleurs, ses remarques de clôture mettent l’accent sur les différences de son parti par rapport aux autres formations : la place du privé en santé, mode de financement des garderies, réduction de la taille de l’État, exploitation des hydrocarbures.

Il reproche au premier ministre de ne pas avoir livré la marchandise sur l’introduction du privé en santé et la réduction de la taille de l’État.

ER : Éric Duhaime surprend par son ton calme et posé allant à l’encontre du côté farfelu qui lui est souvent attribué. Il démontre beaucoup d’assurance et se montre crédible. Il a le sens de la formule et arrive à passer ses messages de façon simple, claire et concise. Il est bon joueur et accueille dans le calme et le respect les nombreuses attaques à son endroit.

GF : M. Duhaime est venu confirmer sa marque de commerce et a décidé de rallier ceux qui se sentent abandonnés ou différents des électeurs des quatre autres partis.

Malgré de bonnes lignes d’attaques, il a été incapable d'avancer des propositions de son parti pour régler des enjeux pressants comme le manque de place en garderie, la pénurie de main-d’œuvre ou la francisation des immigrants.

HM : Le chef du PCQ a choisi de ne pas s’adresser uniquement à sa base électorale, il a cherché à rallier les insatisfaits et les indécis en utilisant des exemples concrets des impacts des politiques du précédent gouvernement et des bienfaits des engagements conservateurs. Sa recherche et sa préparation étaient indéniables.

Il a démontré qu’il méritait le titre du Lucky Luke du débat parce qu’il dégainait plus vite que son ombre et qu’il savait viser juste dans ses attaques et commentaires.

François Legault, Coalition Avenir Québec (CAQ)

AB : Face à un tir groupé, M. Legault a été trahi par un non verbal qui montrait son irritation chaque fois qu’il était attaqué. Il défend beaucoup son bilan, mais fait rarement la promotion de ses engagements ou des raisons pour lesquelles il souhaite obtenir un second mandat.

Sur l’enjeu de l’immigration qui constitue son talon d’Achille, il réussit à recadrer son message sur la nécessité de mettre un frein au déclin du français.

Il pousse Gabriel Nadeau-Dubois dans les câbles en chiffrant les taxes orange sur une Toyota Camry ou une minifourgonnette.

ER : François Legault fait face à beaucoup de critiques, est souvent sur la défensive. Il semble souvent crispé, pas très à l’aise avec la formule, mais il réussit tout de même à démontrer son expertise, son expérience et à se distinguer par sa capacité à déstabiliser ses adversaires. Il revient souvent sur les mêmes messages qui manquent souvent de conviction et de cohésion.

GF : M. Legault a adopté le ton calme et rassurant d’un premier ministre en fonction pour débuter ce débat. Au centre des tirs de ses adversaires, on a senti qu’il serrait les dents par moment à la suite d’attaques mordantes venant particulièrement de M. Nadeau-Dubois.

M. Legault a été confronté à la réalité de gouverner le Québec et a dû défendre ses décisions des quatre dernières années. Ses explications sur les crises actuelles complexes (pénurie de main-d’œuvre et du logement par exemple) ont été plus laborieuses par moments.

HM : Le chef de la CAQ a déployé une stratégie d’encaissement des coups avec calme et sérénité... pas toujours évidente. Ses adversaires ont tenté de faire de l’âgisme en faisant référence à des idées des années 1990, mais il a su marteler les mêmes deux ou trois messages. La pédagogie est l’art de répéter, dit-on.

Il a démontré qu’il méritait le titre du Bob le Bricoleur du débat, car aucun projet n’est trop difficile et aucun problème n’est trop dur à résoudre.

Gabriel Nadeau-Dubois, Québec solidaire (QS)

AB : Avec son sens de la répartie, M. Nadeau-Dubois a lancé plusieurs formules choc. Avec beaucoup de prestance et d’éloquence, la formule d’un débat à cinq l’a bien servi.

Probablement réaliste quant à ses chances de devenir le prochain premier ministre, il semble de toute évidence convoiter le poste de chef de l’Opposition officielle. Deux fois plus tôt qu’une, il reproche à Mme Anglade d’avoir offert une faible performance face à François Legault.

ER : Gabriel Nadeau-Dubois a le sens du punch et du clip. Il passe bien ses idées, est clair et concis. Ses messages se veulent positifs et rassembleurs. Il a le regard franc et direct. Il n’hésite pas à intervenir même si quelquefois, cela laisse transparaître un peu d’arrogance. Il est le chef qui a certainement le plus utilisé le nom de son parti tout au long du débat.

GF : M. Nadeau-Dubois est un débatteur hors pair et ses attaques envers M. Legault ou les autres partis ont été percutantes. Il a démontré de la stature sur les enjeux de sécurité des élus et dans son ton général pendant ce débat.

Cependant, les engagements de Québec solidaire donnent souvent l’impression que des enjeux complexes peuvent se régler facilement et rapidement. On sent une tentative de recentrage, mais l’impression de « pensée magique » n’est jamais loin.

HM : Le co-porte-parole de QS avait clairement la stratégie de convaincre et de rassurer les électeurs afin de se présenter comme l’opposition officielle. Il a également lancé certaines lignes choc pouvant être reprises dans les médias du lendemain. Bien que son non verbal ait indiqué son agacement face aux propos sur la taxe orange, il demeure le seul chef à avoir souri à la caméra.

Il a démontré qu’il méritait le titre du Dr. Doogie du débat. Son intelligence, sa maîtrise des sujets, son aisance et son empathie ont donné le ton à plusieurs échanges.

Paul St-Pierre Plamondon, Parti Québécois (PQ)

AB : La forme d’un débat ne semblait pas du tout convenir à M. St-Pierre Plamondon qui avait pourtant brillé dans les grandes entrevues des chefs par Radio-Canada il y a une dizaine de jours.

Il aura fallu le troisième thème du débat pour que le chef du PQ s’impose et revienne à la charge avec les thèmes qu'il martèle depuis plusieurs semaines : protection de la langue française, souveraineté, diminution des seuils d’immigration.

Il a choisi de s’adresser aux indépendantistes dans l’espoir qu’ils reviennent au bercail.

ER : Le chef du Parti Québécois semble un peu plus nerveux, mais a quand même réussi à s’imposer par son ton calme et posé. Lorsqu’il prend la parole, il est crédible et très précis dans ses réponses. Il a également le sens du clip. Il est définitivement plus à l’aise en face à face que lors des interventions de groupe où il peine à s’imposer. Il semble très authentique et vrai lorsqu’il aborde des sujets qui lui tiennent à cœur comme la langue et la sécurité, mais un peu plus détaché sur des questions d’ordre économique.

GF : M. St-Pierre Plamondon a démontré beaucoup de calme et une volonté de s’élever au-dessus de la mêlée dans ses interventions. Après un début de débat plus effacé, il a réussi à passer ses messages et à parler de ses engagements. Ses réflexes d’intellectuel sont parfois remontés à la surface. A-t-il réussi à créer une connexion plus grande avec les électeurs? On en saura plus bientôt.

HM : Le chef du PQ a voulu se positionner comme un leader empathique, fervent du gros bon sens et à la limite non partisan sur plusieurs enjeux. Son calme et son ton posé ont démontré ses talents de plaideur. Plusieurs points d’attaque ont touché la cible, mais le manque d’intonation a souvent fait perdre le punch. Son défi était de convaincre qu’il était un politicien différent et qu’il était bien plus qu’un deuxième choix.

Il a démontré qu’il méritait le titre du Luke Skywalker du débat. Il a su dès l’ouverture s’attaquer au côté obscur du fédéralisme et a prouvé qu’il était l’un des derniers Jedi du parti de René Lévesque.

——— Guillaume Fillion était directeur, Affaires publiques au Cabinet de relations publiques NATIONAL

Suivant

Rédigé par André Bouthillier | John Parisella | Luc Ouellet

Préparation d’un chef à un débat : nos experts se prononcent
14 septembre 2022