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Bâtir des ponts : récapitulatif du discours du Trône du premier ministre Trudeau

Parlement d'Ottawa
Rédigé par
Tiéoulé Traoré

Tiéoulé Traoré

Face au poids du sentiment d’aliénation des provinces de l’Ouest (qui a privé son parti de sièges dans deux provinces) et à la nécessité d’apaiser les frustrations ressenties au sein de la Confédération, le discours du Trône constituait un premier vrai test pour le premier ministre Justin Trudeau.

Près de six semaines après une campagne électorale difficile et souvent acrimonieuse, beaucoup d’observateurs politiques convenaient que Trudeau devait démontrer sa compréhension des messages envoyés par l’électorat canadien le jour du scrutin.

En arrivant au Sénat pour le discours, le premier ministre devait montrer sa capacité à marcher sur une corde raide, tout en jonglant avec les quatre balles suivantes :

  • Reconnaître et atténuer sensiblement la colère des provinces de l’Ouest canadien;
  • Souligner sa volonté de décentraliser davantage de pouvoirs et de prérogatives au profit des provinces;
  • Mettre en avant des politiques et des orientations que les partis de centre gauche pourraient facilement soutenir, en particulier dans les domaines de l’environnement, des droits des peuples autochtones et de la santé;
  • Mettre en avant des politiques pouvant s’arrimer avec la ferveur nationaliste du Québec.

À première vue, son discours, prononcé par l’intermédiaire de la gouverneure générale Julie Payette, a coché toutes ces cases, tout en préparant le terrain pour d’autres dossiers auxquels son gouvernement minoritaire s’attaquera. Bien que les détails entourant les politiques proposées restent inconnus, les Canadiens ont désormais une meilleure idée de ce qui les attend tout au long de cette 43e législature.

Coût de la vie

Malgré des indicateurs économiques au beau fixe (un taux de chômage à son plus bas depuis 40 ans et le taux de croissance le plus élevé parmi les pays du G7), de nombreux Canadiens se sentent anxieux. Au-delà des chiffres positifs, cette dynamique ne prend pas, pour plusieurs, la forme d’un pouvoir d’achat plus élevé et d’une meilleure capacité d’épargne.

Le gouvernement s’attellera immédiatement à réduire les impôts de tous les Canadiens, à l’exception des plus riches, un élément central de la plateforme électorale des libéraux, qui devrait permettre à une famille moyenne d’économiser 600 $ par an, de sortir près de 40 000 personnes de la pauvreté et de veiller à ce que 700 000 personnes ne paient aucun impôt fédéral. Le gouvernement tâchera également de rendre les services de garde plus abordables, renforcera les retraites et augmentera le salaire minimum fédéral. Bien que les détails restent encore à finaliser, l’essence de ces propositions devrait rassurer les Canadiens en situation précaire, qui pourront compter sur un gouvernement disposé à atténuer certaines de leurs difficultés financières.

Unité nationale

Tous les regards étaient rivés sur le premier ministre alors qu’il a tenté d’adresser ce qui constitue sans aucun doute l’élément marquant des dernières élections fédérales : la colère tangible que les provinces de l’Ouest ressentent envers un gouvernement fédéral, qu’elles accusent d’avoir mis la lutte contre le changement climatique au-dessus de leur besoin d’accéder à de nouveaux marchés pour le commerce de leur ressource la plus importante : le pétrole.

En affirmant son engagement à acheminer les ressources canadiennes vers de nouveaux marchés et en offrant son soutien « aux femmes et aux hommes qui travaillent fort dans le secteur des ressources naturelles du Canada », Trudeau a entrepris de rassurer une main-d’œuvre frustrée qui a subi l’effet de la baisse vertigineuse du prix du pétrole. Néanmoins, il est pratiquement garanti que l’Ouest canadien, sous la pression incessante des premiers ministres Jason Kenney en Alberta, et Scott Moe en Saskatchewan (soutenus par leurs cousins conservateurs fédéraux), continuera de réclamer un plus grand leadership du gouvernement fédéral dans les projets de pipeline.

Environnement

Pendant ce temps, Trudeau a cherché à mettre en valeur ses idéaux environnementaux, passant un temps considérable à assurer aux Canadiens progressistes que son administration accélérerait les efforts pour lutter contre le changement climatique.

En effet, en réaffirmant son engagement à atteindre la cible de zéro émission nette de carbone d’ici 2050 et en répétant certains des éléments centraux de sa plateforme de campagne (investissements dans des maisons écoénergétiques, réduction des impôts pour les entreprises de technologies propres, etc.), il obtiendra probablement le soutien du NPD, du Parti vert et du Bloc québécois.

Santé

Comme prévu, le discours contenait des éléments concernant le futur programme national d’assurance-médicaments, un engagement qui était au cœur du programme électoral du Parti libéral. Le gouvernement poursuivra donc son travail dans ce dossier, tout en prenant un temps de réflexion quant au meilleur mécanisme pour livrer le programme. Malgré les pressions exercées par le NPD – qui a clairement exprimé son souhait de voir le gouvernement évoluer vers un régime universel à payeur unique – les premiers ministres provinciaux ont averti les libéraux que chaque étape menant à la mise en œuvre de l’assurance-médicaments devrait être le résultat de négociations avec les provinces, certaines demandant même une clause de dérogation (le Québec). En optant pour des consultations soutenues au sein de la Confédération, les libéraux ont réussi à faire avancer de manière habile une question d’importance pour les Canadiens de centre gauche, tout en garantissant que les provinces et les territoires auraient leur mot à dire.

Comme indiqué dans son programme électoral, le gouvernement libéral travaillera également à améliorer l’accès aux médecins de famille et aux soins de santé mentale.

Droits autochtones

« Aucune relation n’est plus importante pour ce gouvernement que celle qu’il entretient avec les peuples autochtones » était une devise clé du gouvernement Trudeau au cours de son mandat précédent. La réconciliation restera donc un dossier majeur de ce second mandat. Le gouvernement réitère ainsi son engagement à collaborer avec les communautés autochtones afin d’adopter la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones au cours de la première année du nouveau mandat. Il travaillera également à mettre fin aux avis d’ébullition d’eau et cherchera à renforcer les communautés grâce à des dépenses conséquentes en matière d’infrastructures et de santé mentale.

Aussi à surveiller

Comme il a été noté, le discours était essentiellement basé sur des idées de haut niveau. À cet égard, il n’était pas très différent des discours du Trône précédents. La ratification du nouvel accord de l’ALENA a été mentionnée, notamment en ce qui concerne l’engagement en matière de gestion de l’offre et d’indemnisation des producteurs laitiers lésés par les accords commerciaux. Certains passages ont également fait mention de la réduction des frais de téléphonie cellulaire.

Dans l’immédiat, le succès du premier ministre reposera vraisemblablement sur les détails qui viendront préciser ses promesses, ainsi que sur le soutien qu’il pourra maintenir au sein de ce Parlement des plus divisés… et ce malgré la montée des tensions régionales. Les prochains mois seront très intéressants.

Nos experts en affaires publiques et relations gouvernementales peuvent vous aider à mieux comprendre le nouveau paysage politique à Ottawa. Contactez-nous pour en savoir plus.

——— Tiéoulé Traoré était directeur, Relations gouvernementales au Cabinet de relations publiques NATIONAL

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