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Budget 2024-2025 du Québec : la CAQ face à ses choix

Budget 2024-2025 du Québec : la CAQ face à ses choix

LA PRESSE CANADIENNE/Jacques Boissinot

LA PRESSE CANADIENNE/Jacques Boissinot

Quelques chiffres et faits saillants

  • Priorités : Investissements de plus de 8,8 G$ sur cinq ans, dont 4,9G $ dans les deux priorités ciblées par le gouvernement : santé et éducation;
  • Infrastructures : rehaussement de 3G $ sur 10 ans du Plan québécois d’infrastructures qui atteint 153 G$.
  • Dépenses : en hausse de 4,4 % pour la prochaine année, pour se chiffrer à 157,6G$. La hausse prévue est de 2,9 % en 2025-2026.
  • Revenus : atteindront 150,3 G$ en 2024-2025 en hausse de 2,4 %. La croissance devrait augmenter à 4,2 % pour l’année suivante.
  • Déficit et équilibre budgétaire : le ministre des Finances prévoit un déficit de 11 G$ pour le présent exercice, après versement au Fonds des générations, dont une portion de 4,4 G$ de déficit structurel. Le retour à l’équilibre budgétaire est repoussé de deux ans et prévu au plus tard en 2029-2030. Le gouvernement déposera un plan de retour à l’équilibre dans le prochain budget (2025-2026).
  • Provisions : un montant de 1,5 G$ par année est prévu pour les éventualités pendant toute la durée du cadre financier de cinq ans.
  • PIB : la croissance économique prévue pour 2024 demeure faible à 0,6 %, mais devrait atteindre 1,6 % en 2025 au Québec comparativement à 1,9 % au Canada.
  • Optimisation : examen complet des dépenses gouvernementales et fiscales afin de générer des économies de 2,9 G$ sur cinq ans;
  • Dette : le poids de la dette nette s’établira à 39 % du PIB au 31 mars 2024. Le gouvernement maintient l’objectif de 30 % du PIB d’ici 2037-2038.

Analyse

Finie l’époque où l’on pouvait rédiger un budget grâce aux surplus hérités du précédent gouvernement. Finie l’époque où une pandémie permettait de dépenser abondamment en faisant des déficits conjoncturels. Pour la première fois depuis l’arrivée au pouvoir de la Coalition Avenir Québec, le ministre des Finances Éric Girard fait face aux choix de son gouvernement.

Si le déficit est considérable (passant de 4 à 11 G$) – et parmi les plus importants jamais enregistrés au Québec –, il reflète néanmoins les précédents choix du gouvernement caquiste depuis sa réélection. Oui, la dernière négociation avec les employés de l’État a été plus laborieuse et plus coûteuse que prévue, mais le gouvernement caquiste doit aujourd’hui manœuvrer avec les choix des derniers mois, qui sont les siens.

Distribution des chèques aux Québécois, baisse des impôts des particuliers, faible croissance des revenus de l’État, suspension des versements au Fonds des générations : le gouvernement Legault avait épuisé toutes ses marges de manœuvre.

Ayant reçu la commande de ne pas rationnaliser dans les dépenses de l’État ou taxer davantage, le ministre des Finances se retrouve devant une « mission impossible » sur le plan comptable. Difficile de balancer des colonnes de chiffres autrement qu’en pelletant par en avant, en repoussant à nouveau l’équilibre budgétaire et les décisions difficiles. C’est d’ailleurs une stratégie qu’a adoptée le gouvernement Trudeau dans l’autre capitale.

Des déficits conjoncturels, nous passons aux déficits structurels. Le plan de retour à l’équilibre budgétaire, et le chemin pour y arriver, seront connus lors du budget 2025-2026, à un an de l’échéance électorale. Sur le plan politique, cette nouvelle dynamique des finances publiques arrive à un bien mauvais moment. Alors que la cote d’amour de la CAQ fléchit rapidement, ce gouvernement aurait bien eu besoin d’un budget moins « exigeant » pour se relancer et reconquérir l’électorat.

Plusieurs resteront sur leur appétit à la lecture de ce budget. Certes, comme promis, les réseaux de la santé et de l’éducation obtiennent la part du lion (4,9 G$ sur cinq ans) des 8,8 G$ d’investissements pour financer les services en santé et services sociaux, en éducation et en enseignement supérieur, mais en réalité, la plupart des sommes servent à couvrir les augmentations de salaire consenties aux travailleurs de l’État. Peu de nouvelles mesures liées à la transition énergique, à la décarbonation, à la lutte contre les changements climatiques ou encore pour s’attaquer à la crise du logement.

Opération : on se serre la ceinture

Après nous avoir habitués à des feux d’artifices, à des mesures bonbon ou à des investissements massifs, le ministre Girard doit calmer ses élans de générosité. Si, sur le plan sémantique, on refuse toute forme d’austérité, ce budget renferme des mesures de resserrement des dépenses qui s’apparenteront au mot honni. Les formules sont nombreuses pour préparer les esprits à l’effort de compression qui s’en vient : « optimiser l’action de l’État », « révision des interventions pour améliorer leur efficience », « examen des dépenses gouvernementales », « révision de l’ensemble des dépenses » couvrant les régimes d’imposition des particuliers et des sociétés… Le gouvernement Legault revient à ses jeux de base, l’efficacité de l’État, au cœur de la fondation de la Coalition avenir Québec.

Principales mesures fiscales et budgétaires

  • Initiatives de 443,1M $ sur cinq ans pour stimuler les secteurs stratégiques et la croissance de l’économie
  • Révision de l’ensemble des dépenses couvrant les régimes d’imposition des particuliers et des sociétés
  • Les principales entreprises du gouvernement, soit Hydro-Québec, Loto-Québec, la Société des alcools du Québec, la Société québécoise du cannabis et Investissement Québec, devront effectuer des efforts d’optimisation et d’efficience totalisant 1 G$, de 2025-2026 à 2028-2029

Développement économique (443,1 M$ sur 5 ans)

  • Mise en place de laboratoires industriels au sein des zones d’innovation (125 M$)
  • Appui au secteur aérospatial (74,5 M$)
  • Développement du secteur aluminium (31 M$)
  • Adoption de nouvelles technologies et de la recherche (203,5 M$)
  • Soutien à l’entrepreneuriat et au repreneuriat (9 M$)
  • Révision à la baisse des crédits d’impôt (harmonisation, recentrage ou modification) visant les secteurs intensifs en main-d’œuvre en TI

Développement régional (889 M$ sur cinq ans)

  • Appui au secteur forestier québécois (347,5 M$)
  • Favoriser le développement du secteur bioalimentaire par des investissements à caractère durable (50 M$) et les producteurs de boissons alcooliques (57,5 M$)
  • Poursuivre la relance du secteur touristique (30 M$)
  • Renforcer les partenariats avec les Premières Nations pour la mise en valeur du territoire autochtone (25 M$)
  • Poursuite et bonification du programme favorisant l’accession à la propriété dans la région du Nunavik (16,6 M$ en 2024-2025)

Éducation (818,7 M$ sur cinq ans) et Enseignement supérieur (420 M$ sur cinq ans)

  • Taux de croissance des dépenses de 6,6 % et 6,3 % respectivement
  • PQI : 22,7 G$ pour le réseau de l’Éducation, dont 69 % est consacré au maintien des infrastructures actuelles et 31 % pour améliorer ou construire des infrastructures
  • Mesures de soutien de la réussite aux élèves (544,5 M$) dont 301, M$ pour les élèves dans des classes en difficulté
  • Mesures d’attraction et de rétention du personnel scolaire (113,6 M$) en rendant les postes à temps partiel plus attrayants (39,6 M$), en maintenant en emploi les personnes retraitées du réseau de l’éducation (37,0 M$) et en soutenant le personnel enseignant (37,0 M$)
  • Entretien du parc immobilier scolaire (100,0 M$)
  • Réussite et rétention des étudiants universitaires (370 M$)
  • Soutien à l’offre de formation dans des domaines prioritaires et la transformation numérique (43,0 M$)

Santé et services sociaux (3,7 G$ sur cinq ans)

  • Croissance annuelle des dépenses de 7,3 %
  • Le Plan québécois des infrastructures 2024-2025 consacre 23,8 G$ pour la Santé et Services sociaux, dont 43 % pour le maintien en bon état des infrastructures actuelles et 57 % consacrés aux nouvelles infrastructures
  • Poursuite du virage numérique du réseau de la santé (902,5 M$)
  • Maintien et le développement de mesures alternatives à l’hospitalisation (457 M$)
  • Ajout de lits et répondre aux besoins de la population (306,5 M$)
  • Poursuite du déploiement du Guichet d’accès à la première ligne (113,5 M$)
  • Augmentation des investissements en prévention et en innovation pour mieux répondre aux pandémies (20,5 M$)
  • Bonification aux services de soutien à domicile (581,0 M$)
  • Augmentation de l’offre de résidences privées pour aînés (121,8 M$)
  • Soutien du déploiement des maisons des aînés et des maisons alternatives (253,5 M$)
  • Poursuite du conventionnement des centres d’hébergement et de soins de longue durée (182,0 M$)
  • Consolidation des services en santé mentale, en services sociaux généraux, en déficiences, des organismes communautaires, pour Agir tôt et contre les dépendances (195,0 M$)

Énergie et ressources naturelles

  • Recapitalisation du fonds Capital ressources naturelles et énergie d’une enveloppe additionnelle de 500 M$

Environnement (125,7 M$ sur cinq ans)

  • Sécurité dans le contexte des changements climatiques (101,9 M$) pour notamment la sécurité et la mise aux normes des barrages publics et privés
  • Mise en valeur des richesses environnementales du Québec (25,6 M$)
  • Mise à jour à venir du plan de mise en œuvre du Plan pour une économie verte 2030

Transport

  • Appui et bonification à la desserte aérienne des régions (27 M$)
  • Amélioration de la sécurité des services de transport scolaire (13 M$)
  • Réduction de moitié des rabais du programme Roulez vert pour l’achat de véhicules électriques
  • PQI : réseau routier (34,5 G$), transport collectif (13,8 G$), transport maritime, aérien et ferroviaire (4,7 G$)
  • 82 % des sommes dédiées pour le transport routier sont allouées pour le maintien du parc
  • Allocation de 672 M$ sur 10 ans pour l’amélioration de la mobilité et à l’électrification du transport collectif, notamment pour la Société de transport de Saguenay, la Société de transport de Montréal et pour exo et l’ARTM

Numérique et Technologies de l’information (203,6 M$ sur cinq ans)

  • Poursuite de l’accélération de la transformation numérique gouvernementale (188,6 M$ sur cinq ans)
  • Appui des technologies émergentes dont l’intelligence artificielle (15,0 M$ sur trois ans)
  • Modernisation de l’impôt foncier afin de favoriser la robotisation

Main-d’œuvre

  • Francisation des immigrants (320 M$)
  • Abolition du crédit d’impôt aux entreprises favorisant le maintien en emploi des travailleurs d’expérience

Construction (126 M$ sur cinq ans)

  • 111 M$ pour poursuivre l’Offensive formation en construction
  • 15 M$ pour encourager l’innovation et la productivité dans l’industrie de la construction
  • Mise en place d’une modernisation du cadre normatif des marchés publics afin de favoriser l’innovation
  • Allègement administratif et réglementaire pour une meilleure performance dans l’octroi des contrats publics

Culture, langue française et médias

  • Soutien, promotion et valorisation de la langue française (40 M$) dont 9 M$ à l’Office québécois de la langue française
  • Renouvellement du plan d’aide aux médias (30 M$)
  • Bonification du crédit d’impôt pour la production cinématographique ou télévisuelle québécoise (3,9 M$ sur deux ans)

Logement social et garderie

  • Favoriser l’accès au logement (482,5 M$ sur cinq ans)
  • Conversion de 1000 places de garde non subventionnées (68,6 M$ sur cinq ans)

Prochaines étapes

  • Débat sur le budget (25 heures)
  • Étude des crédits budgétaires en commissions parlementaires (100 heures)
  • Adoption (en mai)